[Recherche] Utilisation de la chaleur en récupération chez le sportif

  • Le 1 déc.
Les bains chauds sont utilisés depuis plus de 2000 ans. Les Grecs et les Romains se sont intéressés très tôt à l’hydrothérapie pour leur bien-être et leur hygiène corporelle. Les bains romains étaient composés de trois espaces : le caldarium (bain chaud), le tepidarium (bain tiède), le frigidarium (bain froid). Ces coutumes perdurent aujourd’hui, notamment chez le sportif, qui souhaite récupérer plus rapidement d’une séance douloureuse et voir sa performance augmenter. Les dernières données de la littérature scientifique nous conseillent aujourd’hui de limiter le frigidarium au profil du caldarium.
 

Intersections_LIPSEM
 


La chaleur est favorable pour des gains de performance dans le long terme


Alors que les bains froids ont longtemps été prisés par les sportifs, leur utilisation répétée a été questionnée par de nombreuses équipes de recherche. Les bains froids peuvent en effet limiter certaines adaptations à l'entraînement, en particulier les gains de masse musculaire et de force maximale isométrique, c'est à dire lors d'une situation où le muscle exerce une tension maximale sans charger de taille. Au sein du LIPSEM, les chercheurs ont conduit plusieurs études testant au contraire, les effets de l'utilisation répétée des bains chauds en récupération. Ces derniers sont en phase de se démocratiser afin d’optimiser les gains de performance chez l'athlète mais aussi la régénération musculaire chez le patient. En partenariat avec le ministère des sports et l'INSEP, ils se sont intéressés aux effets des bains chauds sur la performance sportive de patineurs de vitesse sur glace (short-trackers). Les athlètes ont réalisé deux cycles d’entraînement identiques mais ont alterné un protocole de récupération passive et de récupération dans un jacuzzi à environ 40°C pendant 20min après la dernière séance du jour. Il s'agissait de tester l'impact de l'utilisation répétée des bains chauds sur l'évolution de la performance au cours de plusieurs semaines d'entraînement. Cette étude a montré que les athlètes qui récupéraient dans des bains chauds amélioraient significativement leur force maximale isométrique des membres inférieurs et leur consommation maximale d’oxygène comparé à la condition contrôle [1]. De manière intéressante, une autre étude un peu plus ancienne avait testé les effets du sauna sur la performance en endurance chez des coureurs à pied de bon niveau. Pendant trois semaines et à hauteur de trois fois par semaine, les athlètes se retrouvaient dans un sauna à 90°C pendant 30 min. À l’issue du protocole, la performance en endurance a augmenté en moyenne de 2 %, probablement grâce à une augmentation du volume plasmatique[2]. Prises ensembles, ces données mettent en évidence que l'utilisation des bains chauds ou du sauna permettent de favoriser certaines adaptations à l'entraînement.
 


L'entrainement biquotidien  


L’athlète aguerri peut accumuler une charge d’entraînement très importante, parfois au sein d'une même journée en réalisant parfois deux ou trois séances par jour. L’équipe du LIPSEM a récemment conduit une seconde étude (article soumis à expertise) sur les effets aigüs de différentes méthodes de récupération sur la performance sportive au cours d'un entraînement biquotidien. Cette étude a également été menée sur des short-trackers, membres de l’équipe de France. Ainsi, les athlètes ont réalisé une séance sur glace épuisante et ont ensuite récupéré selon trois modalités différentes : 20 min de bain chaud à 41°C, 15 min de bain froid à 12°C et 15 min de récupération active sur ergocycle à basse intensité (nb : étude conduite en crossover, tous les sujets ont réalisé les trois modalités de récupération mais dans un ordre aléatoire). 90 min après l’entraînement sur glace, les athlètes ont effectué une séance de répétition de sprints sur vélo. Il s’est avéré que les puissances moyennes et maximales (mesurées en Watts) étaient significativement plus élevées lorsque les athlètes récupéraient de façon active ou dans un bain chaud que lorsqu’ils récupéraient dans un bain froid. De plus, une corrélation positive entre la température musculaire et la puissance a été mise en évidence, ce qui permet d'imaginer qu'au plus on parvient à augmenter la température du muscle pendant la récupération, au plus la performance sera positivement impactée lors de la seconde session d'entraînement. Ainsi, contre toute attente, cette seconde étude montre que l’exposition à la chaleur ou une récupération active permettent aux athlètes de mieux récupérer entre deux séances d’entraînement journalières comparé à l'immersion en bains froids, du moins dans des efforts à forte sollicitation énergétique.
 


La chaleur pour lutter contre la fonte des muscles

 
Les effets des bains chauds ont également bien été étudiés dans les situations atrophiantes (i.e. perte de masse musculaire). Lors d’une immobilisation, la perte de masse musculaire suit une loi exponentielle et il est nécessaire d’agir très rapidement. Une étude récente a examiné la réponse autophagique (i.e. mécanisme de dégradation des protéines, lipides, polysaccharides et organites intracellulaires) pendant l’atrophie chez des rongeurs auxquels on avait sectionné les tendons des pattes [3]. Les auteurs de cette étude ont découvert que l’application répétée de chaleur avec des couvertures thermiques atténuait la réduction de la section transversale des fibres dans les muscles ténotomisés. Une autre étude a examiné les effets liés à l’utilisation de la thérapie par la chaleur sur l’atrophie et la fonction mitochondriale pendant 10 jours d’immobilisation chez l’homme [4]. Au cours de cette étude, les auteurs ont examiné les effets d’un traitement de chauffage quotidien de deux heures en utilisant la diathermie pulsée à ondes courtes permettant une augmentation moyenne de 4°C de la température intramusculaire. Des biopsies musculaires ont été réalisées afin d’analyser la taille des fibres musculaires et le fonctionnement des mitochondries. Il s’agit ici de la première évidence scientifique chez l’homme qui montre que la thérapie par la chaleur permet de maintenir la fonction mitochondriale et atténuer la perte de masse musculaire lors de l’immobilisation. Ces différents résultats sont prometteurs et offrent de nouvelles perspectives concernant l’utilisation de la chaleur lors de la régénération musculaire. A ce titre, Anthony MJ Sanchez du LIPSEM s’est récemment engagé sur des collaborations internationales (i.e. ASPETAR au Qatar, INRAE à Montpellier, UNIL à Lausanne, IHPE à Perpignan) afin de mieux comprendre quelles stratégies favoriseraient la régénération musculaire ainsi que les mécanismes sous-jacents.


 

Un pays riche en eaux chaudes

Dans les Pyrénées Catalanes, il existe diverses sources d’eau chaudes naturelles, telles que les Bains de Llo, les Bains Romains de Dorres et les Bains de Saint Thomas. Les Bains de Llo sont une source naturelle d’eau chaude à plus de 35°C et riche en soufre et minéraux. Les Bains de Dorres sont situés à 1450 m d’altitude et exposés plein sud, où l’on peut contempler la chaîne de montagne des Pyrénées Catalanes, avec notamment le Puigmal, qui culmine à 2910 m. L’eau sulfureuse jaillit à environ 40°C. Les bains de Saint-Thomas, située sur la petite commune de Fontpédrouse, se situe à 1150 m d’altitude et où jaillit une fantastique source d’eau chaude sulfureuse à 58°C pour une baignade à 37°C. Enfin, pour ceux qui préfèrent le sauna et le hammam, ou le jacuzzi à 35-36°C, un centre de balnéothérapie (Angléo) a récemment ouvert ses portes dans la commune des Angles.

Attention cependant concernant les bains chauds : si vous souhaitez chauffer la température du muscle et bénéficier des effets sur ce dernier, il vous faut dépasser les 40°C! Alors pourquoi n’atteint-on pas ses températures dans les centres de balnéo ? Pour les risques d’hyperthermie évidemment pouvant se traduire par les étourdissements, une fatigue, une hypersudation, des nausées et rarement mais possiblement un malaise. Ces bains sont généralement réservés aux athlètes « acclimatés » à la chaleur. Mais toujours sous surveillance !

 

Auteurs


Tom Normand-Gravier, doctorant et
Anthony MJ Sanchez, maitre de conférences en physiologie de l’exercice
Laboratoire LIPSEM (UR 4604 UPVD)

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Références

1. Méline, T.; Solsona, R.; Antonietti, J.-P.; Borrani, F.; Candau, R.; Sanchez, A.M. Influence of Post-Exercise Hot-Water Therapy on Adaptations to Training over 4 Weeks in Elite Short-Track Speed Skaters. J Exerc Sci Fit 2021, 19, 134–142, doi:10.1016/j.jesf.2021.01.001.
2. Scoon, G.S.M.; Hopkins, W.G.; Mayhew, S.; Cotter, J.D. Effect of Post-Exercise Sauna Bathing on the Endurance Performance of Competitive Male Runners. J Sci Med Sport 2007, 10, 259–262, doi:10.1016/j.jsams.2006.06.009.
3. Hirunsai, M.; Srikuea, R. Autophagy-Lysosomal Signaling Responses to Heat Stress in Tenotomy-Induced Rat Skeletal Muscle Atrophy. Life Sci 2021, 275, 119352, doi:10.1016/j.lfs.2021.119352.
4. Hafen, P.S.; Abbott, K.; Bowden, J.; Lopiano, R.; Hancock, C.R.; Hyldahl, R.D. Daily Heat Treatment Maintains Mitochondrial Function and Attenuates Atrophy in Human Skeletal Muscle Subjected to Immobilization. J Appl Physiol (1985) 2019, 127, 47–57, doi:10.1152/japplphysiol.01098.2018.

 
 
Mise à jour le 30 janvier 2024
https://lipsem.univ-perp.fr/recherche-utilisation-de-la-chaleur-en-recuperation-chez-le-sportif